Voilà une petite merveille que ce livre... J'en suis encore éberluée! A peine terminé, je voulais le relire, pour profiter encore un peu de la beauté de cette langue. Jean-François Chabas est un poète, même lorsqu'il parle de la guerre en Irak.
Lillian, jeune femme d'une vingtaine d'année, a un caractère bien trempé. Elle a un tempérament de feu, du répondant, et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle vit avec sa mère Dorothy à Washington, tandis que son père est retourné vivre au Canada. Elle entretient avec lui des liens très forts.
Pour payer ses études, elle décide un jour de s'engager dans les US Marines, pensant qu'elle ferait un travail de bureaucrate. Mais au bout de six mois, elle est envoyée sur le front en Irak. L'enfer commence, avec la prise de conscience de ce qu'est réellement la guerre, bien loin de la version édulcorée livrée par les médias.
C'est le bordel. On ne sait plus qui tire sur qui, qui fait sauter des bombes chez qui. Il y a des centaines de milliers de civils irakiens qui ont été tués, ici. Je parle de femmes, d'enfants et de vieillards. Pas quelques milliers, et pas toujours par accident. C'est notre armée. L'armée de mon pays. C'est uen boucherie.
Lors d'un affrontement, Lillian reçoit un éclat de roquette dans le cou, qui reste fichée dans sa carotide un peu trop longtemps. Son cerveau, mal irrigué pendant trop longtemps, en subit des dégâts irrémédiables... Lillian renaît complètement désinhibée, avec l'innocence d'une enfant de 5 ans, une mémoire toute neuve, et une hyper-connexion avec la nature. Elle doit réapprendre ce qui faisait son quotidien.
Lorsque Waldo, son père, apprend cela, il vole au chevet de sa fille, et lutte ardemment contre son ex-femme qui veut placer leur fille en institution, car elle n'a pas le temps de s'en occuper correctement, et aussi parce que c'est un bon moyen de la soustraire à son père. Il ne veut pas que sa fille ne devienne pas un légume perfusé. Dorothy prend son acharnement comme prétexte pour le faire extrader et l'éloigner de sa fille.
Ce sont donc ici deux guerres absurdes qui se déroulent: la guerre barbare d'un pays contre un autre, et celle des parents qui se déchirent, pour l'amour de leur fille... C'est le combat d'un père pour retrouver et préserver ce qu'il a de plus cher au monde, la douleur d'une mère qui décide de ne plus lutter, faute de force (malgré les apparences).
Et c'est Lillian, cette femme-enfant, superbe dans sa candeur et sa redécouverte du monde. L'enfance retrouvée à l'âge adulte. Irait-on jusqu'à dire que c'est une chance?
Extraits:
Lillian déversait le contenu de seaux de mélange à base d'avoine dans les mangeoires des Trois Grâces. Son visage était illuminé par cette joie simple que je lui avais connue lorsqu'elle était petite fille, joie que, presque tous, nous perdons à jamais, à mesure que les années nous asservissent.
Le langage des corbeaux est tellement riche qu'en une vie entière d'observation, je n'en apprendrais presque rien. Normalement, la parade amoureuse se fait au sol, chez ces oiseaux. Mais sous le ballet des ailes noires se tenait ma fille Lillian, et c'était bien pour elle, assurément, que virevoltait le grand corbeau. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui vouloir? Ma petite battait des mains, tendait ses bras vers le ciel, tournant sur elle-même. La joie faite femme.
A lire absolument...
Les milles ruses du renard volant, de Jean-François Chabas
Collection Feeling
Casterman, 2009
Lillian, jeune femme d'une vingtaine d'année, a un caractère bien trempé. Elle a un tempérament de feu, du répondant, et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle vit avec sa mère Dorothy à Washington, tandis que son père est retourné vivre au Canada. Elle entretient avec lui des liens très forts.
Pour payer ses études, elle décide un jour de s'engager dans les US Marines, pensant qu'elle ferait un travail de bureaucrate. Mais au bout de six mois, elle est envoyée sur le front en Irak. L'enfer commence, avec la prise de conscience de ce qu'est réellement la guerre, bien loin de la version édulcorée livrée par les médias.
C'est le bordel. On ne sait plus qui tire sur qui, qui fait sauter des bombes chez qui. Il y a des centaines de milliers de civils irakiens qui ont été tués, ici. Je parle de femmes, d'enfants et de vieillards. Pas quelques milliers, et pas toujours par accident. C'est notre armée. L'armée de mon pays. C'est uen boucherie.
Lors d'un affrontement, Lillian reçoit un éclat de roquette dans le cou, qui reste fichée dans sa carotide un peu trop longtemps. Son cerveau, mal irrigué pendant trop longtemps, en subit des dégâts irrémédiables... Lillian renaît complètement désinhibée, avec l'innocence d'une enfant de 5 ans, une mémoire toute neuve, et une hyper-connexion avec la nature. Elle doit réapprendre ce qui faisait son quotidien.
Lorsque Waldo, son père, apprend cela, il vole au chevet de sa fille, et lutte ardemment contre son ex-femme qui veut placer leur fille en institution, car elle n'a pas le temps de s'en occuper correctement, et aussi parce que c'est un bon moyen de la soustraire à son père. Il ne veut pas que sa fille ne devienne pas un légume perfusé. Dorothy prend son acharnement comme prétexte pour le faire extrader et l'éloigner de sa fille.
Ce sont donc ici deux guerres absurdes qui se déroulent: la guerre barbare d'un pays contre un autre, et celle des parents qui se déchirent, pour l'amour de leur fille... C'est le combat d'un père pour retrouver et préserver ce qu'il a de plus cher au monde, la douleur d'une mère qui décide de ne plus lutter, faute de force (malgré les apparences).
Et c'est Lillian, cette femme-enfant, superbe dans sa candeur et sa redécouverte du monde. L'enfance retrouvée à l'âge adulte. Irait-on jusqu'à dire que c'est une chance?
Extraits:
Lillian déversait le contenu de seaux de mélange à base d'avoine dans les mangeoires des Trois Grâces. Son visage était illuminé par cette joie simple que je lui avais connue lorsqu'elle était petite fille, joie que, presque tous, nous perdons à jamais, à mesure que les années nous asservissent.
Le langage des corbeaux est tellement riche qu'en une vie entière d'observation, je n'en apprendrais presque rien. Normalement, la parade amoureuse se fait au sol, chez ces oiseaux. Mais sous le ballet des ailes noires se tenait ma fille Lillian, et c'était bien pour elle, assurément, que virevoltait le grand corbeau. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui vouloir? Ma petite battait des mains, tendait ses bras vers le ciel, tournant sur elle-même. La joie faite femme.
A lire absolument...
Les milles ruses du renard volant, de Jean-François Chabas
Collection Feeling
Casterman, 2009
2 commentaires:
Je jure n'avoir pas fait exprès de publier un article traitant de la guerre en Irak à la date du 11 septembre!
Je viens de le finir et j'ai vraiment beaucoup aimé cette histoire d'amour paternel.
Enregistrer un commentaire