La citation du mois

"Il faut accepter de ne pas savoir. Demain n'existe pas. Pense à maintenant!"

Frédéric Bihel

2 nov. 2008

"Clara et la pénombre" - interaction

Dans le message de présentation de ce blog, je vous dis que notre but est d'échanger autour de nos lectures, de réagir aux articles des uns et des autres. Et bien j'ai le plaisir de vous annoncer que j'ai pu entrer en contact avec Julie John, l'artiste dont je vous parle dans l'article précédant. L'artiste qui, à l'instar de ce qu'imaginait Somoza, a créé du mobilier humain.
Je l'ai cherchée et retrouvée sur le désormais célèbre réseau social Facebook, car cela m'intéressait de savoir comment et pourquoi elle en était arrivée là.
Voici le message que je lui ai envoyé:
"Bonjour,
Je me permets de vous contacter car j'ai relu récemment un roman d'anticipation de José Carlos Somoza, "Clara et la pénombre" qui traite de l'évolution de l'art contemporain: la peinture sur toile n'existe plus, et le support du peintre est le corps humain, apprêté, peint, exposé, puis loué ou vendu. Le corps est œuvre d'art et peut-être utilisé comme objet de décoration.
Bref, j'ai fait des recherches par la suite sur internet pour voir si cela avait réellement été fait, pensant qu'il ne s'agissait que de fiction. Et puis je ne sais plus par quel hasard, je découvre votre travail à cette adresse http://www.lalocomotive.ch/index.php?id=7 et cela m'interpelle vraiment. Le concept du livre de Somoza m'avait choqué, à la première lecture, et puis finalement je me dis "pourquoi pas"?
Mais j'aimerais comprendre votre démarche, ce qui vous a amené à créer des intérieurs avec du mobilier humain. Et puis techniquement, comment cela se passe-t-il? Je suis vraiment curieuse de tout cela, et j'aimerais pouvoir en parler avec vous, afin de me coucher moins bête un de ces soirs.
Bien cordialement,
AF."
Et j'ai eu l'agréable surprise de recevoir une réponse, il y a quelques jours de cela. La voici:
"Chère A.,
J’ai également lu le livre de Somoza « Carla et la pénombre », il m’a quelque peu étonné et troublé, d’autant plus que je travaillais sur mon mobilier humain à ce moment là.
Je ne vais toutefois pas aussi loin que son imagination. En effet, mes meubles ne sont pas à vendre, contrairement aux œuvres qu’il décrit dans son livre. Je me concentre exclusivement sur des performances de ces meubles, faites en fonction du lieu d’exposition. Ces performances durent vingt minutes et peuvent être présentées plusieurs fois dans la même journée.
Le modèles rémunérés que je mets en situation remplisse le rôle de modèle, tout comme pour une leçon de dessin d’après un nu vivant. Deux différences demeurent.
1. Ils sont peints
2. Le public se déplace entre eux et peut donc les approcher.
L’idée de ce travail m’est venue d’abord par ma fascination du corps humain. Ensuite, parce que j’avais envie de délivrer un message.
En effet, nous sommes tous au courant qu’il y a un commerce d’être humains à travers le monde, notamment pour le sexe et une main d’œuvre bon marchée et cela me révolte. Mais en y réfléchissant, sommes-nous si loin de la fiction imaginée par Somoza ?
J’avais envie de montrer ce point de vue d’une manière frontale et qui peut mettre mal à l’aise et c’est tant mieux. Moi c’est la manière dont fonctionne le monde et notre manière d’utiliser des populations pour notre propre bien être qui me met mal à l’aise.
Voilà avec brièveté les raisons qui m’ont poussé à faire ce travail.
Je suis à votre disposition pour toute autre question ou précision. Meilleures salutations.
Julie John"